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  Des bandes dessinées pour tous les temps

Malgré leur renommée, les vitraux de notre église méritent-ils, aujourd'hui encore, une observation attentive ?

Sans doute, si l'on juge par leur classement au titre des "Monuments historiques" (1908). Mais sommes nous curieux de connaître les sujets qu'ils illustrent ?

Rarement, avouons le, sinon celui que nous apercevons de notre place à la messe dominicale...

Enfin, estimons nous que cet ensemble fut mis en place non seulement par souci de décoration mais aussi et surtout pour constituer une "Bible" de verre et un "Livre d'histoires merveilleuses" ?

Ce n'est pas sûr...

Alors partons à la découverte d'un art qui ravit et d'un enseignement qui fortifie. Car tel est bien le but des vitraux qui nous entourent et celui de cette rubrique.

 

Le Verre

L'invention du verre remonte au IIème millénaire avant J.C. C'est le matériau de base du vitrail dont les vestiges les plus anciens remontent au XIème siècle. Le vitrail tire son effet de sa polychromie et de sa translucidité. La Champagne est, de toutes les provinces françaises, celle où se trouve la plus forte concentration de verrières. Parmi les 350 édifices qui en possèdent, 250 sont dans l'Aube avec 90000 m² du XIIème au XXème siècle. 

Une Bible de verre

Comme chacun sait, " Le livre " contient la parole de Dieu adressée aux hommes de l'ancienne et nouvelle alliances. Plus de 70 recueils constituent l'Ancien et le Nouveau Testament. Cette vaste bibliothèque, aux origines et genres variés, nous est devenue très accessible. Mais il n'en fut pas toujours ainsi, tant par les traductions en langues maternelles qu'en raison de l'analphabétisme du passé. C'est alors que l'iconographie - dont le vitrail - participa à l'instruction de nombreuses générations chrétiennes, tout en les émerveillant.

Quoique minoritaires à Saint Martin, les livres de l'Ancien Testament sont bien Présents. De tous, la Genèse est le plus fréquemment illustré, puis viennent les Psaumes et les Prophètes.

Jésus n'étant pas venu abolir la Loi ou les Prophètes mais les accomplir, on comprend que cette " Bonne Nouvelle du Salut " soit abondamment illustrée dans les 27 fenêtres historiées de l'église . En priorité furent choisies par les donateurs de nombreuses scènes évangéliques. Ainsi sont retracés la vie et l'enseignement du Christ, avec une insistance pour sa Passion. Saint Jean-Baptiste, la Vierge Marie et les Apôtres l'entourent aux places d'honneurs (sanctuaire, choeur et transept). Nous assistons ensuite à certains événements de l'Eglise naissante (Actes des Apôtres) et recevrons les messages de Saint Pierre et Saint Paul (Epîtres). Enfin l'Apocalypse clôt le Nouveau Testament en une révélation fulgurante du retour du Christ dans la gloire.

Avant d'y revenir ponctuellement, et à titre d'exemples, allons voir l'Histoire d'Abraham, Isaac et Jacob (Genèse) offerte en 1619 par les chrétiens du village de Saint-Martin-es-Vignes (chapelle Saint Gabriel, 2ème à gauche) et l'Apocalypse (1611) en la chapelle Notre-Dame. La première de ces verrières honore le père des croyants. Dans l'autre fresque Saint Jean évoque notamment la multitude - dont nous sommes - ayant traversé la grande épreuve avant d'être invités à partager la gloire de Dieu pour l'éternité.

" La Sainte Ecriture est la Parole de Dieu en tant que, sous l'inspiration de l'Esprit divin, elle est consignée par écrit. " (Catéchisme de l'Eglise catholique, n° 81).

Le miroir de l'Évangile

... C'est ainsi que St François de Sales appelait celui qui s'était mis à l'écoute de la Parole de Dieu et nourri du Pain de vie. Les saints forment une foule innombrable, de toutes nations, races, peuples et langues. Beaucoup resteront inconnus. Mais d'autres furent tôt remarqués et proposés en modèles par l'Église. A la suite du Christ, Lumière du monde, ils marchèrent, jour après jour, avec la constance du soleil qui éclaire nos vitraux de la Crucifixion, du matin (fenêtre 23*) au soir (16).

En cette église nous est présentée d'abord la parenté de Jésus :

  • Jean, le Précurseur (1, 4, 18, 21, 25) avec ses parents Élisabeth et Zacharie ;
  • Anne et Joachim, parents de Marie, mère du Rédempteur (10) ;
  • Marie, de l'Annonciation (15, 22) à son Assomption (1, 15) et Joseph (9) père nourricier de Jésus.

Puis viennent les Apôtres, à commencer par ceux qui furent témoins de la Transfiguration du Seigneur : Pierre (18, 20), Jacques (7, 24) et son frère Jean (10, 23, 24), puis André (20) frère de Pierre et Simon (25). Les Douze entourent leur Maître lors de la Cène (7). Paul, apôtre des gentils (15) n'est pas loin du martyre de Saint Etienne (19) auquel il assista.

Peuplant les fenêtres basses, certains saints des temps barbares et des cathédrales furent proposés, au XVIème et XVIIème siècle à l'attention des paroissiens. En premier lieu Saint Martin (336 - 397) soldat, moine, puis évêque, patron de notre église (7, 15, 25), ainsi que Sainte Jule, vierge martyrisée en 275, là où se trouve maintenant la rue des Filles-Dieu (5, 25). Saint Sébastien, soldat martyr (13), Saint Nicolas, évêque (15, 25) et Saint Valentin, prêtre romain (25) complètent la galerie de ceux qui vivaient au IIIème et IVème siècle. Saint Claude, protecteur du Jura (1) et Sainte Gudule, patronne de Bruxelles (16) témoignèrent de leur foi au VIIème et VIIIème siècle. Les fidèles de Saint Martin connaissaient Saint François d'Assise (25, 27) et Saint Louis, roi de France vénérant la couronne d'épines (4, 18).

" Ma Mère, mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la pratiquent " (Luc 8, 21).

* : La numérotation des fenêtres est celle de F. BIBOLET dans : " les vitraux de Saint-Martin-ès-Vignes, Troyes ", éd. 1959, dont le plan sera bientôt à votre disposition à l'Église.

J.M. Meignien

La Légende dorée

Dès les premiers temps de l'Église était apparue une littérature qu'on appelle apocryphe, monde étrange, mélange de vérités et de délires, où tout n'est pas inacceptable, mais dont l'Église eut la sagesse de se méfier. Ainsi furent tenus à l'écart des écrits pleins de ferveur, tombant dans le naïf, avides de connaître le plus possible de détails sur Jésus surtout, sans savoir éviter toujours des déviations doctrinales volontaires ou pas. Sur la base de ces écrits, vers 1270, le bon dominicain Jacques de Voragine (U1298), archevêque de Gênes, utilise ses loisirs à compiler les chapitres de sa Légende dorée ; le souci d'examiner ses sources avec esprit critique est fort loin de lui a. Le nouveau Testament et la vie des saints y sont traités dans le but de compléter les éléments historiques certains et d'édifier jusqu'à l'émerveillement.

Ce que les arts plastiques ont mêlé aux sources scripturales n'altèrent nullement l'orthodoxie doctrinale : l'âne et le bœuf de la Nativité, les couronnes royales des Mages, l'histoire de Sainte Anne en sont quelques exemples révélateurs. Le burin d'Albrecht Durer (U1528) a gravé certaines scènes de la Légende dorée. Et nos maîtres-verriers l'ont imité sans dissimulation. A Saint Martin la principale verrière issue de ces influences est La vie de Sainte Anne (10) b.

Outre les vies de Jean-Baptiste, Joseph et Marie, des apôtres Pierre (20) et Jacques (24), bien des saints sont proposés à notre vénération, dans le même esprit, à commencer par Saint Martin de Tours dont la charité à la porte d'Amiens est incontestée (7, 14, 25, 27). Saint Sébastien (13), Saint Nicolas (8, 15, 25) sont aussi représentés parce que bénéficiant d'une grande popularité. Martyre de l'Église de Troyes, Sainte Jule (5, 25) mérite une admiration sans réserve suite aux études critiques les plus récentes. Notons enfin que La légende de la Croix (8) constitue un bon sujet de méditation. C'est l'exemple type de rapprochements historiquement invraisemblables mais symboliquement précieux.

"La contemplation des images, unie à la méditation de la Parole de Dieu et au chant des hymnes liturgiques, entre dans l'harmonie des signes de la célébration pour que le mystère célébré s'imprime dans la mémoire du cœur et s'exprime ensuite dans la vie nouvelle des fidèles."

(Catéchisme de l'Église catholique, n° 1162)

a : cf. Daniel-Rops : Histoire de l'église.

b : numérotation des verrières figurant sur le plan mis à la disposition des visiteurs à l'entrée de l'église. Ce vitrail sera déposé quelques temps pour une exposition parisienne.

Notre Père qui es aux cieux

En 1619, un coutelier de St-Martin-ès-Vignes, Isaac Gillebert et sa femme Barbe Brisson, commandèrent à Linard Gontier, ou à l'un de ses confrères, une verrière ayant pour thème l'Histoire d'Abraham (Genèse 14-18). Dès la pose des tableaux de verre chacun put admirer l'image du Père éternel entouré d'anges : ceux de Mambré peut-être, et d'autres dans l'allégresse musicale (3*). On observe la même figure dès lors qu'elle est liée à un épisode de l'Histoire sainte : la Création (12*), la Transfiguration (17*), la Passion (8, 14*).

Précédemment, quand Jacques Le Tartier, Seigneur de Pouillyet du Clos-le-Roi, offrit à la paroisse un vitrail traitant du Credo (6*), l'enseignement qui était proposé à l'attention des fidèles imposait encore l'icône du Père au sommet du chef-d'œuvre (Catéchisme p. 53 - 94). Enfin, quand le vitrail n'évoque ni scène biblique ni thème catéchétique, comme c'est le cas pour la vie des saints, l'image du Père est toujours là pour signifier la relation privilégiée qui existe entre Lui et les plus fidèles de ses fils (1, 13*).

L'iconographie du Père éternel est assez constante. Elle s'inspire de la description qu'en donne le prophète Daniel (Dn 7, 9) : "Je regardais, jusqu'à ce que des trônes furent placés et qu'un Vieillard s'assit. Son vêtement était blanc comme la neige et ses cheveux comme de la laine pure..." (17, 23*). Le Père porte aussi une couronne (1*) et plus souvent une tiare : symbole d'autorité autant que de gloire (3, 5, 8, 12, 13, 14*). II bénit, en signe de bonté, tout en posant sa main gauche sur le globe terrestre pour manifester sa toute-puissance (1, 3, 5, 13, 23*).

Mais le Père est toujours penché vers ses fils, puisque "Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux" (Apocalypse 7, 17 ; fenêtre 18).

* : numérotation des verrières figurant sur le plan mis à la disposition des visiteurs à l'entrée de l'église.

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit

La Trinité fut choisie comme thème de la verrière surmontant la porte sud achevée en 1610. Puisque le Dieu trois fois saint est Un (Catéchisme n° 253) le maître verrier Le représenta (11 *) sur un seul panneau.

  • le Père, avec tiare à 3 couronnes surmontées d'une croix, debout, Lui que nul " ne connaît sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler " (Mt 11, 27),
  • le Fils, à la droite du Père comme dans la fenêtre 19, sous les traits du Christ ressuscité,
  • et l'Esprit saint, " comme une colombe " (Jn 1, 32), envoyé au monde, après la glorification de Jésus, pour révéler en plénitude le mystère de la Très Sainte Trinité (catéchisme 244).

Des têtes d'anges et des anges adorateurs entourent les trois Personnes divines comme partout ailleurs.

Quelques décennies plus tard, les grandes baies furent parées de somptueux tableaux vitrés. Certaines scènes imposent la Présence trinitaire dans des compositions appropriées. C'est le cas pour l'Annonciation faite à Marie (22*). Un seul verset évangélique (Lc 1, 35) suffit à l'artiste pour concevoir son oeuvre. En partie haute, trois panneaux distinguent les Personnes divines (catéchisme 254) : au centre l'Esprit sous l'aspect d'un intense rayonnement, à gauche le Père tout-puissant, et à droite le Fils de Dieu. Dès prononcé le " fiat " marial éclate la joie du ciel peuplé d'anges, musiciens ou non.

Revenons à une fenêtre basse (7*), celle qui célèbre l'Institution eucharistique ( Mt 26, 26-29 et 1 Co 11, 23-26). C'est une composition riche en allusions. Le Père, assis sur un arc-en-ciel en signe d'alliance (Ex 24, 8), tenant la Croix du Rédempteur (1 Co 11, 26), son front, ceint d'une tiare à cinq couronnes (Mt 26, 29), est uni à l'Esprit saint et au Christ ressuscité, assis lui aussi, mais sur deux arcs en ciel symbolisant la nouvelle alliance scellée par son sang (1 Co 11, 25). Le dessin précis, les couleurs vives et contrastées, donnent à cet ensemble une densité exceptionnelle.

La vision de St Etienne durant sa lapidation (19*) nous ramène aux oeuvres de grandes dimensions. Linard Gontier s'en tient également à un seul verset issu des actes des Apôtres (7, 56) pour élaborer un tableau admirable et puissant. En une lancette unique il loge la Trinité où apparaît le Christ ressuscité à la droite du Père bénissant, sous le symbole de l'Esprit. De grands anges adorateurs élargissent la vision du martyr revêtu d'une dalmatique** rouge-sang.

Par le baptême, au nom de la Très Sainte Trinité, nous sommes appelés à partager sa vie, ici-bas dans l'obscurité de la foi, et au-delà de la mort dans la lumière éternelle (catéchisme 265).

dalmatique : ornement liturgique du diacre

Jean-Marie MEIGNIEN

l'Esprit du Seigneur remplit l'univers

En 1606, quand le seigneur de Pouilly et autres lieux, Jacques Le Tartier, offrit une verrière pour le déambulatoire (6*), le maître verrier se trouva face à un dilemme pour traiter le Credo souhaité. En effet, il s'agissait d'illustrer en six panneaux seulement un texte long (Credo de Nicée-Constantinople) ou court (Symbole des Apôtres) : contrat irréalisable dans les deux cas. La solution lui vint du clergé, probablement. Elle consistait à ne traiter que la troisième partie du Symbole des Apôtres commençant par la Pentecôte : image de l'Eglise naissante autant que le symbole de l'édifice en construction depuis 1592. Il put même consacrer un panneau entier aux belles armoiries du donateur et placer au tympan le Père éternel entouré d'anges (auj. fenêtre 5*).

Les six articles sont habilement traités (lire de haut en bas et de gauche à droite).

  • Je crois en l'Esprit saint (Jn 15, 26-27 ; Act 2, 1-13) : la Vierge Marie, au milieu des Apôtres, reçoit l'Esprit Saint cinquante jours après la résurrection de Jésus,
  • . . . à la sainte Eglise catholique (Ez 3, 16-21 ; Act 4, 23-31),
  • . . . à la communion des Saints (Act 2, 42-47) : un groupe d'Apôtres distribue les aumônes aux fidèles et aux pauvres, trésor de l'Eglise,
  • . . . à la rémission des péchés (Is 53, 1-12 ; Act 10, 43 ; 1 Pe 4, 1-6) : St Pierre prêche le pardon des fautes sur les marches du palais où vit le centurion Corneille,
  • . . . à la résurrection de la chair (Is 26, 19 ; Ez 37, 1-14 ; Jn 5 28-29) : le prophète Ezéchiel écoute Dieu lui donnant l'ordre d'annoncer la résurrection des corps,
  • . . . et à la vie éternelle. Amen (Is 60, 1-2 ; 1 Cor 15, 54-58 ; Ap 21, 9-27) : un ange fait découvrir à St Jean la Jérusalem nouvelle : vision rapportée dans l'Apocalypse.

Le contenu spirituel de l'ensemble est tel qu'il faut consacrer beaucoup de temps, bible en main, devant chaque panneau, pour en tirer un riche enseignement et de grandes joies artistiques. Car l'art est manifeste, jusqu'aux scènes des arrière-plans.

Antérieure à ce qu'il est convenu d'appeler "L'Immaculée Conception" de la cathédrale, cette oeuvre peut être attribuée sans grand risque d'erreur à Linard Gontier.

Jean-Marie MEIGNIEN
* numérotation des fenêtres selon l'ouvrage de F. BIBOLET (plan disponible à l'entrée de l'église).
Bonne visite, jumelles en main de préférence !
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